Parce qu'il y a une fin à tout. Au monde comme à moi.

Pelage d'Ombre lui raconta qu'il rêvait parfois d'elle. Qu'ils jouaient tous les deux ensembles. Comme avant, comme autrefois. Comme quand la niaiserie était encore admise. On était chatons, on faisait des bêtises sans conséquences. Il continua en disant qu'au fond de lui sa sœur n'était pas morte. Sombre Désir sourit. C'est ce qu'elle avait voulu lui faire comprendre. Et ça avait fonctionné. Il disait qu'elle était encore présente dans son cœur. Lorsque l'on a aimé quelqu'un, il reste dans notre cœur pour toujours. Mais Sombre Désir écoute la fin de sa phrase. Il dit qu'à son réveil, il sent encore son odeur, mais elle s'efface ...

Sombre Désir grimaça. On ne pouvait pas lutter contre la réalité, et elle s'en désolait la première. Le malaise était flagrant sur le visage du chat noir. Sombre Désir était autant désolée que lui d'avoir ravivé des souvenirs parfois douloureux. Il eut l'air de sentir quelque chose. Sombre Désir était toujours aussi tendue. Elle se calma immédiatement lorsque Pelage d'Ombre ronronna doucement. Il se rapprocha un peu de Sombre Désir, qui ne pensait à rien d'autre qu'aux réactions de Pelage d'Ombre.

Là est mon problème. Je pense trop aux autres et pas assez à moi. J'agis toujours pour le bien d'autrui, mais je ne pense jamais à ce que cette situation peut me faire à moi. Elle soupira. On ne la changerait pas, malheureusement. Elle lança un regard en biais à Pelage d'Ombre. Elle était heureuse de savoir qu'elle pourrait toujours compter sur lui. Elle savait bien que le mâle ne souhaitait aucunement son départ, mais elle appréciait qu'il respecte son choix sans tenter de l'influencer ou de la retenir.

Un long moment passa. Sombre Désir observa ces terres qui n'étaient à présent plus les siennes. Malgré qu'elle y soit née, malgré qu'elle y ait vécu depuis sa plus tendre enfance. Malgré qu'elle ait tenté de redresser ce Clan qui l'accueillit à bras ouverts. Elle pensait avoir fait le bon choix, mais elle ressentait un goût amer ... Le goût amer du regret. Mais elle sentit une pointe plus douce. La nostalgie. La nostalgie des temps heureux de la pouponnière, où l'on pouvait encore aller voir les anciens en réclamant une autre histoire. La nostalgie du temps où l'on était jeunes apprentis. On sentait la tension monter, et on était prêts à se battre, simulant des combats, incarnant ses idoles. Ces deux temps étaient révolus. Place au présent, impitoyable.

Pelage d'Ombre ronronnait encore. Sombre Désir ne se lassait pas de ce bruit de fond constant. Puis le presque - silence fut brisé par Pelage d'Ombre qui prit la parole. Il disait que cela avait été dur pour tous les deux. Sombre Désir était d'accord. Il disait qu'elle, elle avait vu le Clan s'ébranler, qu'elle avait dû fuir, rongée par le remord. Et lui, il n'avait pas été présent. Il n'avait pas pu les aider, et lui aussi avait été rongé par le regret. Sombre Désir l'écouta. Les images du Clan baigné de sang lui revint. Elle frissonna. Pelage d'Ombre continua. Il disait qu'ils ne s'étaient pas laisser abattre. C'était vrai, chacun de leur côté, ils avaient tout fait pour reconstruire le Clan. Il disait que les terres du Clan du Vent étaient plus proies aux attaques que les autres Clans. C'était vrai. Ils avaient dû lutter pour survivre. Ils devaient leur force au Vent. Sombre Désir releva alors la tête et inspira son élément. Le Vent. Pelage d'Ombre avait dit quelques autres mots que Sombre Désir n'avait pas écoutés, trop distraite.

Il avait marqué une pause. Ce que permit à Sombre Désir de tout emmagasiner sans surcharger. Puis il reprit. Il disait que Sombre Désir serait toujours une guerrière du Clan du Vent. Elle sourit. En tout cas, à ses yeux. Il bafouilla un peu et puis dit que si un jour elle décidait de revenir, il y aurait une place pour elle, quoiqu'en dise le chef. Il serait prêt à lui clouer le museau si besoin est. Elle ronronna de plaisir et d'amusement. Pelage d'Ombre, si pacifique ... Il lui demanda juste de lui promettre de passer lui dire bonjour. Puis il se tut, attendant visiblement les réactions de Sombre Désir. Celle - ci prit alors la parole.

« Alors heureusement que je ne suis plus la chef, sinon je n'imagine pas ce que tu m'aurais fait pour introduire un de tes amis dans le Clan ! la meneuse déchue rit aussi doucement, puis elle reprit un ton sérieux. Je te le promets, ... Et je suis sûre qu'un jour, je reviendrais. Ces terres m'ont accueillie, il y aura bien un temps où elles me manqueront trop pour que je reste plus longtemps loin d'elle, j'en suis certaine. »

Sombre Désir pensa soudain à quelque chose en énonçant sa phrase juste avant de rire légèrement. Elle prit un air un peu plus grave, l'air que l'on prend lorsque l'on veut des réponses, des vraies. Elle hésita quelques instants, puis se lança.

« Pelage d'Ombre ... S'est - il passé ... Quelque chose, récemment ? Je t'ai trouvé plus ... rêveur ces derniers jours. A quoi penses - tu ? ... A ... qui penses - tu ? »

Elle avait peur de regretter ses dires, mais elle voulait tirer cette affaire au clair avant de partir. Elle ne voulait pas partir sur des hypothèses peut - être erronées. Elle l'aurait souhaité. Mais elle avait bien peur que ses intuitions soient les bonnes. Et dans ce cas - là, ... Elle ne dirait rien. Même si elle était encore chef, elle n'aurait rien dit. Parce que si cela tourne mal, Pelage d'Ombre sera le seul responsable de ses actes. Mais ... Et si il pensait tout simplement à quelqu'un du Clan ? Sombre Désir n'en était pas moins sûre. Elle voulait des réponses claires qui sortiraient de la bouche de Pelage d'Ombre.

Climb the moutain, but do not fall ...
Dearly Beloved.

Je vois bien que ton regard fuit le mien. Je sais bien que tu es nerveux, tendu comme si tu étais à découvert en plein territoire ennemi. Mais tu es ici en terre promise. Tu es chez toi. Tu me connais, je te connais. Mais tu as peur que je découvre ce que tu caches. Car oui, je sais que tu caches quelque chose, Pelage d'Ombre. J'ai appris à te décrypter. Sombre Désir avait vu le corps de Pelage d'Ombre secoué d'un grand frisson lorsqu'elle posa sa question, très sérieusement. Il détournait le regard, afin de ne pas voir les yeux interrogateurs de la chatte écaille. La queue du chat noir se balançait derrière lui dans des mouvements saccadés qui trahissaient très nettement son malaise.

Sombre Désir avait vu juste, alors ? Elle aurait préféré ne pas devoir passer par là, mais elle voulait savoir. C'était maintenant, ou peut - être dans longtemps. Trop longtemps. Peut - être que ce qu'il lui cachait aurait eut des conséquences et elle n'aurait pas pu l'avoir vu venir avant. Elle avait comprit, désormais. Son attitude paniquée en dit plus que les mots. Il aimait une chatte. Mais pas n'importe quelle chatte. Elle était à présent certaine qu'elle faisait partie d'un Clan tout autre que celui du Vent.

Pelage d'Ombre prit alors la parole, comme si il était nécessaire pour lui d'ajouter les mots aux gestes. Il devait savoir qu'il s'était magnifiquement trahit, et pourtant il parlait. Il disait qu'on ne pouvait rien te cacher. C'est vrai. Tu as un don pour remarquer le moindre détail, le moindre changement dans le caractère de quelqu'un. Tu es très observatrice. Il s'arrêtait déjà de parler. Il cherchait comment continuer son petit texte. Son regard ne semblait toujours pas souhaiter croiser le tien. Tant pis. Ce n'est pas ça qui te tuerais.

Il a trouvé les mots. Il continue. Il te dit qu'un jour lui aussi il devrait partir. Comme toi. Il dit aussi qu'il a du mal à regarder votre Clan. Même si à présent tu ne le considères plus comme le tien, il a l'air de vouloir croire que tu y appartiens encore. Et c'était vrai. Ton cœur était toujours dans le Clan du Vent. Et c'est pour cela qu'un jour tu y reviendras. Il avait du mal à regarder votre Clan, à revoir devant ses yeux les fantômes du passé. Toi aussi, ça te faisait mal de revoir tout cela. Mais tu tentais de repasser devant tes yeux les images heureuses, mais une pointe de tristesse persistait toujours. Il disait que parfois, en passant près de la pouponnière, il marchait plus lentement. Juste au cas où des chatons imprudents risquaient de butter dans ses pattes noires.


Missing You.

Sombre Désir vit Pelage d'Ombre fondre en larmes. Le passé était souvent blessant. Voir que tout ce qui était n'est plus est toujours très dur. Elle repensa aussi aux petits qui jouaient hors de la pouponnière, et auxquels Sombre Désir rendait parfois leur quelconque jouet. Elle repensa aussi à la bataille. A ce qu'il était advenu de la pouponnière. Elle se souvenait avoir voulu s'y précipiter, mais qu'un guerrier lui avait barré la route. Elle voulait protéger les enfants, si petits, si mignons qu'elle avait parfois gardé lorsque leur mère avait quelque chose à faire. Derrière les grognements et les feulements de la bataille, elle entendit des miaulements plaintifs. Elle savait qu'il était trop tard. Et la hargne qu'elle ressentait se fit plus forte. Sombre Désir préféra ne pas repenser à cela, même si cet évènement faisait partie des choses qu'elle ne voulait pas qui tombe dans l'oubli.

Pelage d'Ombre enfouit sa tête charbonneuse près de Sombre Désir, enfouissant son museau dans la fourrure écaille du cou de la chatte. Elle ne dit rien. Elle eut juste un sourire réconfortant. Comme la mère qui veille sur son petit lorsque celui - ci a peur de l'orage ou quand il a un gros chagrin. Le guérisseur pleura un petit moment. Tout ce qu'elle pouvait lui offrir, c'était sa présence. Les mots ne valaient rien, en cet instant.

Les larmes de Pelage d'Ombre séchèrent. Sombre Désir n'avait rien dit et ne le regrettait pas. Pour elle, le meilleur moyen de réconfort restait ce qu'elle venait de faire. Laisser l'autre pleurer tout son soûl et faire tout son possible pour qu'il comprenne qu'il n'était pas seul. Pelage d'Ombre s'écarta un peu de la femelle écaille, et s'assit face à elle. Son regard évitait toujours les yeux sombres de la chatte. Il était toujours aussi nerveux, sans que Sombre Désir sache pourquoi, cette fois. Il déglutit et se remit tant bien que mal à parler.

Il disait que rien ne serait plus comme avant. Pourquoi me dit - il cela ? A - t - il quelque chose d'autre à me dire ? Quelque chose d'autre à me révéler ? Elle comprit bien vite ensuite. Il disait que lorsqu'il aurait trouvé un successeur ... Tu partiras. La chatte avait vu juste. Quelques instants plus tard, il continuait en disait que quand il serait sûr que sa présence dans le Clan du Vent ne soit plus indispensable, alors il partirai. Parce qu'Elle l'attend. Il ne fallait pas plus à Sombre Désir pour deviner la force des sentiments qui les liait. Il plongea les yeux dans ceux de Sombre Désir. Elle soutint son regard. Il continua. Il ne pouvait lui dire le nom de sa dulcinée, mais elle devait être certaine qu'elle n'abandonnerait pas le Clan du Vent pour elle. Pas tant que sa présence était indispensable.

Ses paroles étaient sages. Sombre Désir savait que les sentiments pouvaient décider de choses qu'avec un peu de raison, on n'aurait jamais pu faire. La chatte écaille respectait son choix, elle savait de toutes façons qu'elle ne pourrait pas l'obliger à rester au Clan du Vent si il s'y sentait inutile. D'autant plus qu'il risquerait plus en restant dans le Clan qu'en le quittant. Son choix était raisonnable étant donné les circonstances. Cependant, savoir qu'un jour Pelage d'Ombre quittera le Clan du Vent alors qu'elle comptait y revenir lui fit avoir un pincement au cœur. Elle lu dans ses yeux qu'il ne voulait pas quitter le Clan.

Pelage d'Ombre recommença à pleurer. Elle pensa. Elle ne l'avait jamais vu pleurer. Mais en vue des circonstances, ces pleurs étaient légitimes. Il revint une fois de plus se blottir contre Sombre Désir qui tenta de calmer ses larmes en le serrant contre elle, et elle tapotait son épaule de sa queue. Il parlait à travers les pleurs, et Sombre Désir eut bien du mal à déchiffrer ce qu'il disait. Mais elle comprit tout de même ce qu'il lui disait. Il la suppliait de rester. Le cœur de la meneuse déchue se serra à cet instant précis. Sombre Désir posa une patte sur sa tête, retenant ses propres sanglots, ses propres peurs, alignant tant bien que mal une phrase à la suite de l'autre.

« Pelage d'Ombre ... Je reviendrais, bientôt. Je te le promets. Je te l'ai déjà promis. Et je sais que tu ne veux pas que je partes. Je sais que nous sommes les seuls à avoir ce passé commun. Je sais qu'ici on a besoin de toi. Je sais que tu es mon ami et que je pourrais toujours compter sur toi. Et je suis sûre que je ne suis pas ta seule amie. Tout ce que je te demande, c'est de ne pas être triste après mon départ. »

Sombre Désir s'était comportée en mère avec Pelage d'Ombre. Un bref instant. Pourquoi ? Parce qu'ils étaient encore plus proches que des amis. Elle le sentait. Non non, Sombre Désir ne croyait pas que c'était de l'amour. Enfin si. De l'amour fraternel. C'était comme si ils partageaient le même sang. C'est comme si ils étaient ... Frère et sœur. Ils avaient un passé commun, contrairement à tous les autres chats du Clan. Ils avaient vécu des choses fortes simultanément. Et déjà avant, ils s'entendaient vraiment bien ... Les épreuves qu'ils avaient passé, certes loin de l'un de l'autre, mais avec la même intensité, les avait rapprochés.

Chacun avait eut un regret. Pelage d'Ombre avait eut celui de ne pas avoir pu être présent lors de la bataille pour aider les siens. Il était guérisseur, ou apprenti guérisseur, Sombre Désir ne se souvenait plus trop. Toujours est - il que lui vit le résultat de l'attaque qu'avait mené quelques chats sans vergogne et sans but précis. Sombre Désir, elle, avait été dans le feu de l'action. Elle s'était battue. Pas beaucoup. On lui ordonna de déguerpir dès que les chats commencèrent à s'accumuler. Qui lui avait donné l'ordre de s'en aller et de laisser ses troupes au combat ? Sombre Désir ne se souvenait plus trop. Elle avait eut du remord. Beaucoup de remord. Celui d'avoir laissé mourir son Clan et d'avoir prit lâchement la fuite. Elle avait laissé mourir celui qui l'avait accueillit. Et elle regrettait. Amèrement. Très amèrement. C'était pour cela qu'elle avait voulu diriger le Clan du Vent. Pour qu'on la pardonne. Pour qu'elle ait la conscience tranquille. L'intérêt premier était purement égoïste et personnel. Le résultat final fut glorieux et au profit de tous.


[ Juste pour ce paragraphe ] Rose's Theme

Rêve. Rêve tant que tu le peux encore. Rêve tant que ta vie continue. Rêve au futur. Rêve de l'impossible, de l'inimaginable. Rêve de pouvoir un jour revenir sans crainte d'être rejetée. Rêve de pouvoir à jamais bannir ces terres de ton esprit. Rêve de pouvoir vivre heureuse. Rêve de pouvoir retourner dans le passé, d'arranger tes erreurs. Rêve de gloire, rêve de ce que tu sais impossible. Rêve, Sombre Désir. Rêve à l'infini. Rêve à en mourir. Rêve à en perdre la notion du temps.

Rêve. Rêve de l'amour, que tu sais encore si loin de toi, en cette période de doute. Rêve que Pelage d'Ombre soit ton frère. Rêve d'un monde sans reproches. Rêve d'une forêt sans guerres. Rêve d'une vie sans horreur. Rêve parce que tu ne peux pas agir. Rêve pour toutes les choses que tu ne sauras jamais faire.

Rêve. Oui, c'est cela, Rêve.


[ De nouveau ] Dearly Beloved.

Sombre Désir fut sortie de ses pensées lorsque le matou noir cessa de pleurer. Ses yeux étaient engloutis par la tristesse et rouges d'avoir versé tant de larmes. Il s'écarta doucement d'elle et s'assit face à son visage multicolore. Son visage tiré entre tristesse et détermination. Entre courage et mélancolie. Elle vit naître dans l'expression de son ami le doute. Avait - il peur de quelque chose ? Peut - être qu'elle ne tienne pas sa promesse ? Ce doute ne parut qu'un instant. Mais on avait tous le droit de douter.

Sombre Désir aussi doutait. Elle avait peur qu'il ait disparu lorsqu'elle reviendrait. Que l'amour l'ait arraché à son Clan plus tôt que prévu. Que sa propre sécurité ou son utilité, soit remise en cause avant le rendez - vous convenu. Oui elle avait peur. Peur que quelque chose oblige Pelage d'Ombre à quitter le Clan du Vent avant que la meneuse déchue ait eut le plaisir de partager une vie commune avec son meilleur ami. Encore pouvoir partager du temps ensembles, sans crainte d'être surpris. Encore pouvoir observer dans les yeux de l'autre la mélancolie du passé. Encore pouvoir partager des secrets qu'à personne d'autre ils ne pouvaient révéler, de peur d'être incompris. Encore pouvoir simplement se côtoyer comme avant. Comme au temps de l'insouciance.

Pelage d'Ombre s'approcha d'elle et vint frotter son museau contre le sien. On ne ressentait pas la moindre gêne chez les deux chats. Parce que ça leur semblait normal. Ça leur semblait légitime. Frère et sœur. Ils étaient restés silencieux un long moment. Sombre Désir s'en rendit compte. Il brisa ce silence par des paroles. Bien que les deux chats aient parfaitement réussi à parler par de simples gestes. A faire beaucoup de choses en silence.

Pelage d'Ombre fit une promesse à Sombre Désir. Il lui promit qu'il serait là lorsqu'elle reviendra. Elle n'espérait que cela. Et il lui promit de ne pas être triste après son départ. Elle afficha un sourire faible. Elle n'y croyait pas trop. Mais elle le voulait ardemment. Cela ne suffirait pas, elle le savait bien. Sa volonté ne pouvait automatiquement engendrer la sienne. Il finit sur quelques mots. « Prends soin de toi, mon amie. »

Sombre Désir sourit cette fois - ci plus franchement. Elle lui rendit son geste d'affection et se remit assise face à lui. Les derniers mots. Mes derniers mots. Elle ferma les yeux quelques instants. Pour réfléchir aux derniers mots qu'elle prononcerait devant lui avant un long moment, certainement. Elle rouvrit les yeux. Sourit à nouveau. Puis elle s'exprima très clairement, une pointe de tristesse dans la voix.

« Nous nous reverrons. Je ne saurais te dire dans combien de temps, mais nous nous reverrons. J'ai perdu ma famille bien avant la catastrophe. Mais je crois que tu seras toujours mon frère. Je me moque qu'on ne partage pas le même sang. J'ai juste l'impression que tu es mon frère. Je ne sais pas s'il en est de même pour toi ... Mais moi je te considère comme tel. »

Ses pattes étaient prêtes à fouler les terres du Clan du Vent. Une dernière fois. Avant de ne plus s'y considérer comme bienvenue. Mais elle voulait que Pelage d'Ombre confirme sa vision des choses ou qu'il lui explique son point de vue à lui.

[ Hé oui, DEUX mois plus tard .___. Désolée, j'avais rédigé une super réponse une fois, et elle s'est effacée TT". ]

Les yeux de Sombre Désir ne se défilaient plus, fixant Pelage d'Ombre sans ciller. Elle regardait de ses grands yeux obscurs le valeureux guérisseur du Clan du Vent. Fidèle à son Clan, et également fidèle ami. Autrefois, ils n'étaient rien de plus que de bons copains. A présent, c'était bien plus que ça. Ils avaient un passé commun, un passé que tous devraient connaître sur le bout des doigts. Car leur histoire est un patrimoine que tous doivent partager. Que jamais personne ne doit oublier. C'est un principe. Sombre Désir hocha doucement la tête, pensant en souriant. Puis elle fut troublée dans ses songes par la voix de Pelage d'Ombre.

Il lui parlait gentiment. Comme à son habitude. Pelage d'Ombre était un chat doux et compréhensif, un ami que tous rêveraient certainement d'avoir. Peut - être que Sombre Désir pensait ça parce qu'elle n'aurait pas pu rêver de meilleur ami que celui - ci. Il lui disait avec un ton doux qu'il y avait liens du cœur et du sang. Sombre Désir savait que ses liens du cœur avec lui n'avaient jamais égalé ses liens du sang. Elle était orpheline, douce abandonnée de sa famille. Cendrillon, la pauvre petite. Non, Sombre Désir n'est pas Cendrillon. Déjà, cette fille est une princesse. Sombre Désir n'est pas une princesse. Mais un simple ange déchu. Un ange qui tombe. Un ange sans ailes, aussi. Les anges sans ailes, Sombre Désir appelle cela des amis. Pelage d'Ombre était bien plus proche d'elle que sa famille. Qu'était devenue toute cette petite bande de chats qui avaient vécu avec elle dès ses premiers instants ? Elle n'en savait rien. Et en cet instant, cela lui importait peu. Et puis, Cendrillon, elle a le beau rôle. Elle est douce, gentille, sans sautes d'humeur, belle comme un cygne. Elle est pure, comme une rose sans épines. Et puis c'est le beau prince charmant qui tombe amoureux d'elle, évidemment. Et puis il y a sa marraine la fée qui réalise ses vœux. Sombre Désir aurait aimé rencontrer le prince charmant. Pour qu'il l'aide à supporter tous ces tourments. Mais il se cachait, l'évitait. Le prince charmant était caché, peut - être.

Pelade d'Ombre continuait en disant que dès sa naissance, sa famille était proche de lui. Sombre Désir l'écouta sans rien dire. Il disait qu'elle, elle était une amie, autrefois. Juste une amie. Et c'était pareil pour la meneuse déchue. Mais qu'après tout ça, comment ne pas considérer qu'ils n'étaient pas une famille ? Comment ? Sombre Désir ne savait pas, ne saurait jamais, parce qu'elle le considérait comma sa seule famille. Elle n'avait jamais eut de frère, aussi loin qu'elle se souvienne. Mais qu'importe ? Elle savait entretenir des relations purement amicales avec un chat mâle sans que cela devienne ambigu, alors qu'importe. L'entendre dire ces mots lui avait mis du baume au cœur. Personne n'avait été si compréhensif et plein de compassion avec elle. Le frère. Le frère qu'elle n'avait jamais eu. Le frère qu'elle n'aurait jamais. Le frère qu'elle n'aurait jamais pu imaginer. Parce qu'il existe et qu'il est juste et bon.

Pelage d'Ombre s'approcha d'elle. Il y avait le silence. Le silence dont on rêve, ce silence qu'on ne trouve jamais. Ce silence artificiel, qu'on s'invente. Non, là c'était le silence parfait. Juste quelques inaudibles bruissements de feuilles, pas autre chose ne venait briser ce silence. Un silence qu'on a jamais. Pelage d'Ombre, comme un chaton cherchant réconfort auprès de sa mère, vint à nouveau se lover dans le cou de la chatte écaille. Elle ne frémit pas, ne bougea pas. Qu'importe les remarques, les regards curieux. Personne à part eux ne connaissait la vérité. Personne à part eux ne pourrait jamais comprendre leur relation privilégiée. Parce qu'ils avaient dû voir mourir, se faire de faux espoirs, souffrir pour arriver à avoir une telle relation. Et ça, personne, ou presque, ne pourrait jamais le comprendre.

Le silence. Il était beau. Majestueux. Pelage d'Ombre le brisa. Sombre Désir n'en fut pas frustrée. Sa voix était presque aussi agréable que le silence. Et ses mots en rajoutaient à la grandeur de sa voix. Comme une mélodie, pareille à nulle autre. Il affirmait une nouvelle fois qu'elle était sa sœur de cœur. Sombre Désir prit très bien le compliment, heureuse que ses sentiments soient partagés. Il disait qu'ils avaient traversé des épreuves qui les avaient rapproché. C'était ce qu'il y avait de plus vrai. Mais répéter cette histoire, ce serait radoter. Ce qu'il dit ensuite fut plus intéressant et pertinent. Il disait qu'il n'y avait pas de désir amoureux entre eux. En effet, Sombre Désir n'avait pas du tout envie de rentrer dans l'ambigu avec lui. Qui aurait l'idée de tomber amoureux de sa fratrie ? Sombre Désir ne ressentait rien au - delà des relations frères et sœurs. Il finit en disant qu'ils étaient les derniers enfants du Clan du Vent. De l'ancien Clan du Vent. Parce qu'à présent, il était de nouveau là, mêlant les origines dans l'harmonie. Après tout, c'était beau, tous ces chats qui s'acceptaient, pas de discrimination vis - à - vis des sang - mêlés. C'était beau, vu sous cet angle. Pelage d'Ombre s'écarta de Sombre Désir. Elle l'observa faire, l'œil bienveillant mais humide. Il lui donnait le droit de partir.

Adieu ? Au revoir ? Elle savait que ce n'était qu'un au revoir. Qu'elle reviendrait. Bientôt. Très bientôt. Et elle pourrait à nouveau profiter de la présence de ce frère qui lui avait toujours manqué, et qu'elle quittait lâchement. Pelage d'Ombre se leva, et s'approcha de la guerrière écaille. Il lui donna un coup de langue affectueux sur le front. Elle sourit. Elle voulait qu'il garde d'elle une image d'une chatte souriante, et pas affligée, triste et morne. Elle ne voulait pas qu'il repense à cette dernière image d'elle comme une image négative. Elle ne voulait pas qu'il ait un pincement au cœur en repensant en elle, en attendant son retour. Elle voulait qu'il sourit en la voyant. Sombre Désir entrouvrit la bouche, toujours souriante.

« Sourit, petit frère. »

Elle ferma les yeux en souriant, hochant légèrement la tête sur le côté. Elle se mit debout. Elle commença à s'éloigner en trottinant. Tous les dix mètres, elle tournait la tête. Puis, lorsqu'il fut hors de sa vue, elle commença à courir. Vite. Pour s'éloigner le plus vite possible des terres qu'elle avait trahies. Des terres dont elle s'était auto - bannie.

Il est temps.

Sourire mélancolique. Paysage merveilleux. Au - delà des terres du Vent. Un temps d'errance l'attendait. Un temps de réflexion. La bise grisante claquait. Et elle courrait de nouveau. Pour que ses ennuis s'envolent. Pour que ces pensées négatives soient noyées par le bruit du vent. Vie d'errance, de réflexion. Mais elle reviendrait. Elle reviendrait ici. C'était sûr.